Didier Tallineau et le rejet
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  • Photo du rédacteurElsa Moreira

Didier Tallineau et le rejet

Salut tout le monde, j’espère que votre été se passe bien et que vous êtes en vacances (parce qu’il faut aussi se reposer). Aujourd’hui, je vais vous raconter l’histoire d’un homme qui aimait le travail et les femmes. Enfin…jusqu’à ce qu’elles le rejettent. Sans plus d’introduction, voici l’affaire Didier Tallineau.


Un enfant colérique

Didier Tallineau (source : Faites Entrer L'Accusé)
Didier Tallineau (source : Faites Entrer L'Accusé)

Avant d’être un adulte meurtrier, Didier Tallineau a été un enfant. Un drôle d’enfant.

Né le 17 septembre 1965 à Niort, dans l’ouest de la France, il est le seul garçon d’une fratrie de quatre. Son père est routier, et est donc beaucoup absent. Sa mère, par contre, est présente et est soit très autoritaire, soit très affectueuse avec son seul fils, qui va lui donner du fil à retordre.

À l’âge de 10 ans, Didier commence à faire des crises de nerfs. Il casse tout autour de lui, même des chaises. Cette attitude ne va pas en s’arrangeant, et c’est peu dire, puisqu’à 15 ans, il crée une véritable scène de crime chez lui, faisant croire à un cambriolage. Les gendarmes seront même appelés.

Didier grandit, et semble transférer une partie de cette énergie destructrice dans le travail. Il veut devenir un travailleur exemplaire. À 19 ans, il effectue son service militaire, et l’année suivante il entre dans la restauration comme saisonnier. Il commence à travailler en Suisse comme aide cuisinier, dans un grand hôtel d’une station de ski.


Catherine

Catherine Charuau (source : Faites Entrer l'Accusé)
Catherine Charuau (source : Faites Entrer l'Accusé)

À 26 ans, il rencontre Catherine Charuau, une jeune serveuse. Il se met en couple avec elle, et le couple achète une maison à Oulmes. Leur vie dans cette maison n’est pas de tout repos, et les disputes du couple deviennent une habitude, autant pour eux que pour le voisinage.

Le soir du 7 août 1989, alors que Didier rentre du travail, le couple entame sa dernière dispute. Catherine lui annonce qu’elle veut le quitter pour refaire sa vie. Elle s’ennuie, entre autres car elle ne travaille plus depuis qu’elle vit avec lui. De plus, elle pense qu’il la trompe. La dispute s’intensifie, et Didier lui porte un coup à la tête. Catherine, 23 ans, ne tarde pas à succomber à ses blessures.

Si Didier panique, ça ne dure pas longtemps. Il traîne Catherine jusqu’à leur potager, puis l’enterre en l’aspergeant de parfum. Et le lendemain, il va frapper chez ses voisins, disant que sa compagne a disparu.

Au fil du temps, son histoire s’étoffe. Didier raconte que Catherine l’a quitté en emportant sa collection de peluches, son passeport et son chéquier. Cette histoire est plausible, puisqu’elle a déjà eu ce type de comportement. Cependant, elle n’a jamais coupé le contact avec sa famille, qui cette fois n’a aucune nouvelle.

Lorsque les proches de Catherine demandent s’il a des nouvelles d’elle, Didier leur affirme qu’elle a quitté la région et aurait utilisé le chéquier du couple en août à Bordeaux, notamment une voiture. Presque tout le monde le croit à ce moment-là. Même le père de Catherine se dit que sa fille “a fait quelque chose de pas bien”.

Néanmoins, au fil des mois, la mère de Catherine commence à avoir des doutes, et alerte régulièrement les gendarmes. Cependant, ceux-ci ne peuvent rien faire pour elle, puisque Catherine est majeure. La pauvre mère ne baisse jamais les bras, mais ne sera pas prise au sérieux.

Didier, de son côté, reprend le cours de sa vie, semant la violence sur son passage. En mars 1992, alors qu’il fait la fête avec plusieurs aide-cuisiniers, l’un d’eux se retrouve assommé dans les toilettes. Didier ne sera jamais inquiété, étant inconnu des services de police, et apprécié de tous, notamment pour son “sérieux”.

En août 1994, l’hôtel où travaille Didier est touché par deux incendies qui font des dégâts importants. Pour la police suisse, ce sont des incendies criminels. Didier est placé en garde à vue, mais finit par être libéré faute de preuves. C’est alors qu’il quitte la Suisse.

En fin d’année 1994, les parents de Catherine Charuau font appel à un avocat, qui les persuade d’aller au parquet. Ils le font et une enquête est ouverte, mais elle ne donnera rien.


Christine

En automne 1994, alors que l’enquête concernant la disparition de Catherine Charuau est ouverte, Didier part pour la Serbie, probablement parce qu’elle n’extrade pas les ressortissants français.

En décembre, Didier passe par Düsseldorf et toque à la porte de Christine Richter, une jeune allemande qu’il avait rencontrée en Suisse. Les deux avaient eu une courte relation à laquelle elle avait mis fin.

Didier lui demande de l’héberger, car selon lui sa voiture est en panne. Christine hésite mais finit par accepter. Le reste de la journée se passe sans accroc, et elle lui propose de sortir, mais il insiste curieusement pour faire la vaisselle.

Christine va donc à l’évier, et alors qu’elle est en train de faire la vaisselle, il l’a frappe avec un rouleau à pâtisserie. Christine tombe à terre, et il lui dit que c’est une bouteille qui était posée sur l’étagère qui est tombée sur sa tête. Elle lui demande d’appeler un médecin, mais Didier lui dit qu’il serait mieux d’aller acheter des médicaments. Il lui dit aussi qu’il n’a pas de carte bancaire allemande, alors elle lui donne la sienne. Il sort, mais au lieu d’aller à la pharmacie, il va à un distributeur. Didier retire tout l’argent disponible et revient chez Christine, disant que la carte ne marche pas. Elle lui en donne une deuxième, et il s’en sert encore une fois pour retirer un maximum d’argent. Il part ensuite en voiture (oui, la voiture qui était en panne) sans aider Christine ou même vérifier si elle encore vivante. Elle arrive tout de même à téléphoner à une amie, qui l’amène à l’hôpital, ce qui lui permettra de s’en sortir in extremis. Didier, lui, reste libre de poursuivre son voyage.


Carole


Catherine Charuau (source : Faites Entrer l'Accusé)
Carole Le Yondre (source : Faites Entrer L'Accusé)

En 1998, Didier, revenu en France, emménage en Loire-Atlantique et s’installe avec sa nouvelle femme. La même année, il a un enfant, et devient le patron du bar Le Louisiane, où il fera sa dernière victime.

Le soir du 19 juillet 1999, Didier travaille dans on bar quand il aperçoit Carole Le Yondre, une étudiante infirmière de 19 ans, entrer dans le bar avec des amis. Selon un témoin, la soirée est bien arrosée et la tension finit même par monter avec les amis de Carole.

Vers 3 heures du matin, ces amis s’en vont, mais Carole reste pour aider Didier à faire la vaisselle. Il essaye alors de l’embrasser à plusieurs reprises, mais elle le repousse à chaque fois. Didier s’énerve et finit par la frapper à coup de queue de billard. Il la traîne ensuite à la cave, où il l’a déshabille parce qu’il voulait “voir son corps”. Voyant qu’elle se réveille, il l’achève à coup de fût de bière, avant de la cacher au fond de la cave.

La disparition de Carole est rapidement signalée, et les recherches commencent tout aussi rapidement. Lorsqu’une première perquisition a lieu, le corps est là depuis 5 jours. Il n’est pas trouvé.

La nuit suivante, Didier décide de se débarrasser du corps. Il le met dans le coffre de sa voiture, et trouve un fossé où le déposer vers 4h du matin. Cependant, alors qu’il est en train de le faire, il est surpris par une automobiliste. Dès qu’il la voit, il retourne à sa voiture et s’en va, laissant un sac poubelle ensanglanté dans le fossé. Il dépose le corps un peu plus loin avant de rentrer chez lui.

Le corps est retrouvé vers 8h20 sur une route nationale près de Châteaubriant par un cycliste. L’automobiliste de la nuit précédente trouve le sac poubelle ensanglanté dans le fossé et ne tarde pas à contacter les gendarmes pour dire ce qu’elle a vu, y compris le fait que l’homme qu’elle a vu conduisait une Renault Nevada rouge bordeaux. Les enquêteurs recherchent toutes les voitures de ce type dans la région, et finissent par remonter jusqu’au bar Le Louisiane.


L’arrestation et les aveux

Deux jours plus tard, les enquêteurs montent une planque et voient Didier en train de nettoyer sa voiture. Après un moment, ils décident de l’interpeler. Ils découvrent alors une odeur de putréfaction dans la voiture, que Didier avait essayé de dissimuler avec une senteur lavande. Ils trouvent également des traces de sang. Didier est placé en garde à vue. Sa femme aussi, ainsi que tous les clients présents le soir du drame.

Une fois dans la salle d’interrogatoire, Didier affirme d’abord que Carole était présente, mais était partie après l’avoir aidé à faire la vaisselle. Ensuite, il met en cause un certain Karim, qui l’aurait tuée alors qu’il était descendu à la cave. Karim aurait ensuite abandonné le cadavre à la campagne, et Didier l’aurait couvert, craignant pour son établissement. Karim, qui existe et est un délinquant sortant de prison, est placé en garde à vue et nie tout en bloc.

Didier change de version trois fois, alors les enquêteurs finissent par se rendre compte qu’il ment. Ils le poussent dans ses retranchements, et Didier finit par avouer qu’il a tué Carole. Il raconte tout ce qu’il s’est passé, alors les enquêteurs l’emmènent et perquisitionnent de nouveau le bar, où ils retrouvent des traces de sang à la cave, ainsi qu’un trousseau de clés et une chaussure qu’il avait dissimulés dans le faux plafond. Après ces découvertes, Didier propose de servir à boire aux gendarmes, en disant notamment que c’est la dernière fois qu’il aura l’occasion de servir à boire. Les gendarmes acceptent. Il discute un peu avec eux, et se met à pleurer en parlant de son enfant. L’un des gendarmes lui répond à juste titre que c’est un peu tard pour penser à ça. Après ce verre, Didier est incarcéré à la prison de Nantes.

Quand cette incarcération est rendue publique, un gendarme retraité ayant travaillé sur la disparition de Catherine Charuau prévient sa hiérarchie, les parents de la disparue ainsi que la police de Châteaubriant.

Le dossier concernant Catherine est rouvert en août 1999.

Les enquêteurs découvrent alors que Catherine pensait que Didier la trompait, et que le couple se disputait souvent. Ils interrogent également la femme actuelle de Didier, qui dit ne rien savoir et accepte de leur faire visiter leur appartement. Les enquêteurs y trouvent des peluches, que les proches de Catherine reconnaissent tout de suite comme lui appartenant.

Ils s’intéressent aussi au compte bancaire de Catherine, qui est inactif depuis septembre 1989. Des chèques d’une valeur totale de 15 000 francs avaient été faits avec ce compte, et les gendarmes découvrent que c’est Didier qui les avaient fait pour faire croire que Catherine était encore vivante, virant une partie de l’argent vers son compte et utilisant l’autre pour faire des achats, très probablement pour faire croire que Catherine était toujours vivante. Ayant accumulé assez de preuves, les enquêteurs extraient Didier de la prison et l’interroge.

Au début de l’interrogatoire, Didier est calme, mais mis face à ses contradictions, il devient agressif. Les enquêteurs décident de parler des parents de Catherine, qui attendent toujours la vérité. Et là, il se met à pleurer et raconte que Catherine serait morte par accident en tombant et heurtant sa tête après qu’il lui a donné une gifle ce fameux soir d’août 1989. Il raconte le tout sans beaucoup d’émotion, explique où il l’a enterrée. Les enquêteurs déterrent le corps, et Didier est mis en examen pour le meurtre.

Les enquêteurs continuent de retracer le parcours de Didier, et découvrent l’agression de l’aide-cuisinier en 1992, et les incendies de 1994.

L’enquête continue, et les gendarmes apprennent l’agression de Christine en Allemagne. Une visioconférence est alors organisée pour confronter Didier à sa victime. Durant cette visioconférence, il avoue et raconte l’agression. Lorsque Christine lui demande pourquoi il l’a agressée, il ne répond pas.

Enfin, Didier est examiné par des experts, qui ne lui diagnostiqueront aucune pathologie, mais relèveront tout de même quelques traits antisociaux et une angoisse de la séparation.


Les procès

Le 15 octobre 2001, le procès de Didier commence pour le meurtre de Catherine et la tentative de meurtre sur Christine. Durant le procès, il plaide l’accident pour le meurtre, mais sa mise en scène faisant croire à une rupture prouve la préméditation aux yeux de la cour. Traumatisée, Christine n’est pas présente au procès.

À la fin de celui-ci, il présente des excuses à la famille de Catherine, et dit qu’il a un fils qu’il voudrait voir et il demande à ce qu’on ne le condamne pas à une peine trop lourde. Il est condamné à 30 ans de prison avec une peine de sûreté de 20 ans. Didier fait appel de cette décision.

En mai 2002, la Cour d’appel confirme la peine.

Didier est de nouveau jugé en décembre 2002 pour le meurtre de Carole. Il déclare alors avoir trouvé le corps de la jeune femme sans vie après s’être réveillé dans la cave de son bar. Il n’est pas pris au sérieux, au vu de ses nombreux changements de version et de son mode opératoire sur ses autres victimes.

Il est finalement condamné à 30 ans de prison avec 20 ans de sûreté, les juges n’ayant pas retenu la préméditation cette fois. Didier ne fait pas appel, et peut donc demander une libération conditionnelle en juillet 2019. Cependant, tout ne s’arrête pas là.


La libération

Dès 2003, Didier demande une suspension de peine pour raisons de santé. En effet, il est atteint d’un cancer de la plèvre, et est rapidement admis à l’hôpital de la prison de Fresnes en attendant d’être examiné.

En octobre et novembre 2004, il est examiné par des experts, qui concluent que son état est incompatible avec une détention. Didier bénéficie alors de la loi Kouchner, entrée en vigueur le 4 mars 2002, qui permet de suspendre les peines des détenus malades si leur pronostic vital est engagé ou si leur état est incompatible avec la détention. Sa demande de libération est donc acceptée le 1er décembre 2004. Une semaine plus tard, il est libéré. Conformément à la loi Kouchner, l’avis des familles des victimes n’a pas été demandé, elles ont simplement été informées.

Il est en phase terminale, et son espérance de vie est estimée à 6 à 12 mois. Il s’installe chez ses parents à Olonne-sur-Mer, en Vendée, près des habitants et des familles des victimes, au grand dam de celles-ci et du voisinage, qui fait circuler une pétition demandant sa réincarcération dès février 2005. Le tueur qui ne supporte pas le moindre rejet est rejeté encore une fois.

En mars, Didier est réexaminé par un collège de médecins, qui détermine que son état de santé est toujours incompatible avec une détention. Cependant, au fil des mois, il reprend des forces, et une nouvelle pétition est créée, réclamant son retour en prison. Selon les voisins, “Il bricole avec son père, il conduit sa voiture, sa vitesse est excessive…”


Le retour en prison

Durant l’été 2005, de nouveaux experts examinent Didier, et estiment que la loi Kouchner ne s’applique plus. Il est donc réincarcéré en septembre 2005.

De nouveau incarcéré à la prison de Fresnes, Didier atteint les quarante ans le 17 septembre 2005. Son état se dégrade, et il finit par être hospitalisé à l’hôpital de la prison. En novembre 2006, Didier est mourant, alors son avocat fait de nouveau appel à la loi Kouchner. Cependant, la procédure n’est pas assez rapide.

Didier décède dans la nuit du 5 au 6 décembre 2006 à l’âge de 41 ans.

Depuis cette affaire, la loi Kouchner a été modifiée : la libération d’un prisonnier peut à présent être refusée en cas de risque grave de récidive ou de troubles à l’ordre public.


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Sources :

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